la conquête du Pays basque par les troupes romaines

Publié le par picozuri.over-blog.com

 VOICI DONC LES LEGIONS ROMAINES LANCEES SUR LE PAYS BASQUE...

  

 L'entrée des Basques dans l'Histoire, c'est-à-dire celle qui apparaît dans les sources romaines, se fait au moment de la Seconde Guerre punique (-218 à -202) lorsque l'Espagne revêt un intérêt stratégique aux yeux des deux superpuissances de l'époque: Rome et Carthage.

  

 Le premier contact entre les Basques et les Romains remonterait aux combats du général carthaginois Hannibal Barca en Italie qui utilisa des mercenaires vascons. Rappelez-vous les poèmes de Silius Italicus. Ils auraient servi comme troupes auxiliaires. Nous avons vu aussi qu'Hasdrubal vint au secours de son frère en traversant la partie occidentale des Pyrénées en -208/-207 en recrutant des troupes qualifiés de Celtibères [1] en Espagne ou parmi les peuples du Sud de la Gaule, peut-être à nouveau des Basques. Il quitta l'Espagne sans que Scipion, le futur vainqueur d'Hannibal à Zama, ne s'en rende compte en traversant le pays le long de l'océan Atlantique. Mais il sera finalement vaincu et tué à la bataille du Métaure en Ombrie (-207). Il est possible que cette guerre, finalement remportée par les Romains, ait conduit les Vascons à collaborer plus tard, lorsque les troupes romaines arriveront sur leur territoire. Déjà, un certain Indibil aurait servi Scipion en Espagne après serment. Il fut tué par un javelot près des Pyrénées. Le père de Pompée accordera à un certain Enneguez (Iñiguez?) la citoyenneté romaine (la plus haute distinction de l'époque) pour son escadron vers -90. Tite-Live affirme même que les habitants de l'Ebre courent plus vite que les chevaux (sic). Les Basques s'associeront aussi avec les Romains pour arrêter les Cimbres et les Teutons (extrême fin du IIème siècle). Ainsi, leur vainqueur Marius avait une garde personnelle de Bardyéens (Vardules), selon Strabon qui reprend Posidonius d'Apamée. Il les aurait ramenés d'Afrique pour terroriser ses adversaires à Rome lors de son retour d'exil (-87). Ces hommes étaient totalement fanatisés et répondaient à un simple mot ou geste du consul. Ils abattirent ainsi un certain Ancharius qui avait salué Marius sans que celui-ci ne lui réponde. Ils n'épargnaient ni femmes, ni enfants. Sertorius, dont nous allons parler plus loin, les fera massacrer par traîtrise pendant leur sommeil avec l'aide de Cinna à coups de javelots.

 

 QUELLE VIOLENCE! QUELLE EPOQUE!

  

 Oui, on ne connaîtra jamais la part d'exagération et de véracité des ces histoires.

La première approche romaine du territoire basque date de -194, lorsque Caton l'Ancien, célèbre pour son goût pour l'austérité, conquit avec une petite troupe des villes dans la vallée de l'Ebre, dont Cascante dans l'extrême Sud de la Navarre actuelle (une zone non bascophone aujourd'hui). Il aurait réduit la région parce qu'elle était très agitée. Moins illustre, un certain Lucius Manlius Acidinus s'empara en -188/-187 de la place forte (oppidum pour les Romains) de Calagurris (Calahorra aujourd'hui) sur la rive droite de l'Ebre [2]. Puis, en -179, Tiberius Sempronius Gracchus (le père des Gracques qui tentèrent une célèbre réforme agraire à Rome) s'empara d'Ilurcis [3], dans la zone la plus mouvementée de l'Ebre, et lui donna son nom, Gracchuris. La romanisation du Pays Basque était en marche. L'abondance des Sempronii dans l'épigraphie navarraise et alavaise en est un signe. Les cités basques devront frapper de la monnaie d'argent pour s'acquitter du tribut que les vaincus doivent verser aux Romains. Cette monnaie va en tout cas dynamiser l'économie terrienne en incitant même des montagnards à s'installer sur les plaines pour profiter des nouvelles conditions économiques, ce qui sera à l'origine de la construction de nouvelles cités. Celles-ci n'avaient pas le droit d'être murées. Les Romains appelaient la région du Nord de l'Ebre, l'Espagne citérieure en opposition à l'Espagne ultérieure (Sud de l'Ebre).

 

 COMMENT EXPLIQUER LA FAIBLESSE DE LA RESISTANCE DES BASQUES?

  

 Ils n'avaient peut-être pas de chefs, de vision d'ensemble. Après, certains ont pu imaginer que les Basques avaient combattu aux côtés du grand Viriathe au siège de Numance (-139), mais il n'y aucun fondement là-dedans. Et puis, peut-être que les Romains ont permis aux Basques de se débarrasser de l'étreinte celtibère.  Ils leur ont peut-être confié Calagurris et Gracchuris.

   

 La vallée de l'Ebre allait ensuite être le théâtre de la guerre civile qui opposa, au Ier siècle avant notre ère, le général Sertorius (-122/-72) à Pompée (-106/-48). En -77, le premier établit ses positions à Osca (Huesca, aujourd'hui en Aragon) pour contrôler l'axe Ilerda (Lerida aujourd'hui en Catalogne)-Calagurris. Mais Gnaeus Pompeius Magnus obtint l'allégeance des  Autrigons, peut-être des Vascons. Il était passé par le col du Perthus, à l'est des Pyrénées (comme Sertorius par ailleurs), et avait épargné le Pays basque. La zone de l'Ebre lui fut effectivement favorable. Sertorius se vengea en détruisant Cascante et Gracchuris. Les villes et récoltes détruites, la vallée fut dès lors livrée aux brigands et la situation devint vite explosive. Le général s'installa à Calagurris, une rare ville restée fidèle. Dans l'hiver -75, Pompée trouva refuge à Iruña pour restaurer ses troupes et rétablir ses finances. Il supplia Rome d'envoyer des renforts sous peine de perdre l'Espagne (Sertorius avait l'appui des Cantabres et peut-être des Aquitains à travers les cols). Il rebaptisera la ville en reprenant son nom, Pompaelo (Pampelune). Pourquoi cet intérêt pour cette cité? La position était peut-être stratégique entre les passages pyrénéens, la vallée de l'Ebre, une plaine fertile. Le futur adversaire de César, abondamment fourni en grains de Navarre et d'Aquitaine et en soldats envoyés par Rome, se dirigea alors vers Calahorra où Sertorius avait établi son campement en prenant la ville (-74) à Metellus, le lieutenant de Pompée, avec le soutien des habitants, rares indigènes à lui être favorables. Le siège de la cité dura plus d'un an (Pompée hivernera une seconde fois chez les Vascons). Finalement, le général félon perdit de son influence auprès de la population et dut se réfugier à Osca, la dernière place fidèle où il fut assassiné (-72), lors d'un banquet sans doute à l'instigation de son lieutenant Perpenna (exécuté peu après par Pompée!). Mais Calagurris ne tomba qu'en -67. Le siège fut confié à un certain Afrianus qui poussa la population vasconne à se nourrir de cadavres (mais attention, c'est un lieu commun de la littérature latine), épisode repris par de très nombreux auteurs (Salluste et Valère Maxime au Ier siècle de notre ère, Florus et Juvénal au IIème siècle, Orose encore au Vème siècle) [4]. Au total, Rome mit plus de dix années pour mettre fin au gouvernement de Sertorius (celui-ci avait voulu civiliser la région sur le modèle romain en créant un Sénat et en s'appuyant sur l'élite locale). Les Vascons survivants de Calagurris intégreront les forces de Pompée. Ils seront notamment réunis à Lugdunum Convenarum (St-Bertrand-de-Comminges), où un fort fut aménagé par le futur vaincu de César.

  

 ET LES AUTRES PEUPLES BASQUES? COMMENT ONT-ILS REAGI FACE A L'INVASION ROMAINE?

 

 Les peuples océaniques du versant sud des Pyrénées semblent avoir soutenu Sertorius. On ne sait rien sur les montagnards. On retiendra que le Pays Basque fut investi par l'Est et le Sud. L'Ouest (jusqu'à Auguste) et les montagnes qui accueillirent sans doute des réfugiés de la plaine sont préservés.

  

 ON VA PARLER DE JULES CESAR, MAINTENANT?

  

 Oui, mais d'abord de Crassus, un de ses meilleurs lieutenants . Pendant que Caius Julius César (son nom est Julius, César est un surnom) se couvrait de gloire en Gaule pour devenir le maître de Rome, Publius Licinius Crassus, le fils du triumvir qui s'associa avec César et Pompée pour dominer Rome, conquit l'Aquitaine en -56. Il avait le titre de légat. Il attaqua les Aquitains pour les empêcher d'apporter une aide aux Vénètes, en Bretagne, avec une cavalerie nombreuse. Peut-être, l'or des Tarbelles l'appâta t-il. Il vainquit les Sociates, la tribu la plus puissante. Les Commentaires de la Guerre des Gaules nous livrent la première mention d'une union entre tribus de part et d'autres des Pyrénées. On rechercha en particulier l'aide de ceux qui connaissaient les tactiques militaires des Romains, notamment les anciens compagnons de Sertorius qui devinrent les chefs des Basques. Ces hommes sont peut-être les anciens "equites Hispani" évoqués par les auteurs latins. Ils avaient assimilé les techniques de combat des Celtes et des Romains depuis les guerres puniques jusqu'aux guerres sertoriennes. Mais la coalition chercha à éviter une bataille rangée et harcela les troupes pour gêner leur ravitaillement et leur progression. Elle fortifia finalement un camp pour barrer la route à la cavalerie qui les poursuivait.

  

 L'affrontement eut lieu à Sos, peut-être vers Tartas (dans le Sud des Landes actuelles): César est toujours avare de précisions géographiques. Cet ensemble était mal fortifié, les Aquitains comme les Gaulois (Alésia) ne maîtrisaient pas la technique des fortifications. Crassus s'en empara facilement en septembre (le 10 peut-être). Un quart seulement des quelques 50 000 Aquitains et Cantabres en réchappèrent. Crassus avait renforcé son armée en mobilisant des vétérans de Toulouse et Narbonne. Mais finalement, 6000 fantassins suffirent pour vaincre l'Aquitaine (César devait considérer ce front comme secondaire). En bon lieutenant de César, il pourvut scrupuleusement au ravitaillement. Ce fut une guerre-éclair. Par la suite, il chercha peut-être à contrôler le port de Larrau pour joindre Pompaelo, mais cette voie restera toujours très secondaire aux yeux des Romains. Crassus devait mourir avec son père en -53, bien loin de notre région, à Carrhes, chez les Parthes, dans le Proche-Orient. Sa tête fut portée sur une pique sous les yeux de son père qui sera massacré peu après.

  

 Les Tarbelles envoyèrent spontanément des otages aux Romains comme c'était la coutume. Les Sibusates (dans la Soule actuelle) firent de même. Conscients de leur morcellement, les Aquitains n'eurent pas la volonté d'une lutte inexpiable comme à Numance. Pourtant, César évoque des petits peuples qui tiennent les passages et qui résistent, peut-être près de l'océan. Ces peuples seront un des enjeux de la conquête augustéenne. Un passage du De bello gallico a retenu l'attention des historiens. Il est écrit que des peuples des confins montagneux n'envoyèrent pas d'otages à cause de la saison avancée. Mais il peut s'agir de populations du Massif central qui a effectivement un climat rigoureux.

 

 La victoire de Crassus dut être imparfaite, car César se rendit personnellement en Aquitaine en -51 avec deux légions complètes (alors que l'Espagne toute entière était contrôlée par trois légions!) et une importante cavalerie. Il pacifia la région et toutes les tribus se soumirent, mais Florus (IIème siècle de notre ère) raconte qu'il fit murer des hommes réfugiés dans des cavernes (des Basques?). Par la suite, 2 000 Basques combattirent avec César, qui parle peut-être d'eux quand il loue "l'excellente race des Aquitains et des montagnards qui touchent la province de la Gaule". Déjà, Afranius, dont nous avons parlé plus haut, avait recruté des soldats près de l'Océan et chez les Cantabres, selon César. Des Basques devinrent même les hommes de confiance du futur maître de Rome [5]. On lui fournit du blé et des bêtes de somme. Les Vascons ne semblent pas s'être ralliés, aussi le passage que je viens de citer peut concerner encore une fois les peuples du Massif central. Mais Calagurris, qui se démarque décidément toujours politiquement, se rallia à l'ennemi de la République romaine.

 

 PARCE QUE LES ROMAINS ONT GAGNE...

 

 Pas complètement encore. La victoire de César fut incomplète encore, et Agrippa (-63/-12), qui reçut le commandement de l'Aquitaine, dut intervenir vers -39/-38. Auguste, après le triomphe d'Actium (-31) qui lui ouvrait les portes de l'ensemble de l'Empire, vint en personne en -29 dans les Asturies pour vaincre les Cantabres (la guerre avait commencé dix ans auparavant), voisins des Basques. Il est encore présent à l'automne -27 peu après l'obtention du Principat. Il en profita pour consolider la pacification de l'Aquitaine et éviter l'alliance "naturelle" de -56. Il emprunta probablement le col du Perthus (il devait peu attendre des cols occidentaux qu'il s'agissait en fait de contrôler pour faire relier Dax et Pampelune, deux créations romaines) avec éventuellement des vétérans de Sertorius, pour conquérir ensuite la Biscaye, l'Alava et le Guipuzcoa occidental actuels.  Il dirigea personnellement encore la lutte contre les Cantabres en -26 et -25. 

 

 Le consul Corvinus Messala (-64/-8) mena une nouvelle expédition vers -28/-27. Son ami, le poète Tibulle (-54/-19) versifia ces exploits et évoque des Tarbelles adossés aux Pyrénées. Cela peut signifier que le massif montagneux échappait à l'autorité de Rome. II s'agit peut-être davantage d'une opération de police pour protéger les convois et les voyageurs. Messala dut aussi conquérir la partie orientale du Guipuzcoa. Il se couvrit ensuite de gloire (on lui accorda 6 triomphes) contre les Cantabres qui ne lâchèrent prise que vers -16/-14 seulement. Malgré une certaine affinité entre Basques et Cantabres (d'après Strabon), les Basques soutinrent le futur empereur en approvisionnant ses troupes. Les Autrigons seront souvent attaqués par les Cantabres pour leur fidélité à Auguste. Mais en même temps, ce dernier ne lâcha pas la pression sur l'Aquitaine qu'il visita à plusieurs reprises entre -23 et -16 (on ignore s'il revint au Pays Basque). Les Romains tenaient en tout cas au Pays Basque: le cuivre et l'argent de Banca-Baïgorry peuvent justifier l'âpreté des combats. Mais l'imposante tour d'Urkulu commémore la victoire sur les Aquitains et le début de la Pax romana en Pays basque après deux siècles de conflit (-194 à -19 peut-être).

 

 

 

 

 [1] Le terme Celtibère est générique. Il désigne des peuples espagnols ou des Aquitains à cause de la similitude ethnique entre ces différentes populations.

 [2] Calahorra se situe aujourd'hui dans la Rioja qui jouxte la Navarre.

 [3] Ilurcis (nom celtibère) se situe près de l'actuel Alfaro, toujours dans la Rioja à la limite avec la Navarre. Gracchuris a une consonnance basque (iris=ville).

 [4] Mais certains auteurs placent le siège de Calagurris en dehors du Pays Basque (près de Huesca, près de Jaca, voire à St-Bertrand-de-Comminges) en se fondant sur les écrits de Tite-Live et Pline l'Ancien qui distinguent deux Calagurris. Les autres sources parlent bien de Vascons.

 [5] L'habitude de gardes personnelles basques fut très fréquente en raison de leur fidélité et dévotion au chef. Tous les dignitaires romains avaient des gardes du corps ibériques d'ailleurs. Le prêteur Cassius Longinus, un des assassins de César, eut pour sa part une garde personnelle de Bérons qui lui sauva la vie lors d'un attentat en -48.

 

 

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